Le Poisson
d’avril,
tout le monde le sait, n’est autre chose qu’une
attrape, un piège innocent (et
bienséant, cela va sans dire) que l’on tend à quelque personne
amie, parente ou familière, le premier
jour de ce mois d’avril.
Donner un poisson d’avril à quelqu’un, c’est lui faire faire
une démarche inutile, lui annoncer une nouvelle qu’on invente,
l’envoyer au-devant de quelqu’un qui ne vient pas, en un mot, se
divertir un peu à ses dépens, et éprouver sa patience.
LES ORIGINES
Une première
origine est
donnée par des ouvrages tels que l’Origine
des proverbes,
le Dictionnaire de
Trévoux au mot Avril,
ou encore le Spectateur
anglais :
l’expression poisson
d’avril serait
liée à la corruption de la passion de
Jésus-Christ qui arriva le 3 avril : Jésus étant renvoyé
d’un tribunal à l’autre, et contraint de faire diverses courses
par manière d’insulte et de dérision, on aurait pris de là la
froide coutume de faire courir et de renvoyer, d’un endroit à
l’autre, ceux dont on voulait se moquer.
En
effet, dans les premiers temps du christianisme, le clergé, afin de
graver plus puissamment dans l’esprit des populations le sentiment
et le souvenir des mystères de la religion catholique, eut recours à
des représentations scéniques. Lors des grandes fêtes de l’année,
le peuple venait écouter pieusement ces pièces religieuses, qui
n’étaient pour lui qu’un commentaire vivant de l’évangile du
jour. Rien de profane ne se mêlait à ces jeux, et ce ne fut que
plus tard, au XIIIe siècle,
que des éléments profanes vinrent se mêler à ces cérémonies
religieuses et en modifier à la longue le caractère sacré. Dans
les premiers jours d’avril avaient lieu ces représentations de
la Passion,
et l’assistance écoutant avec terreur, voyait le Christ, raillé
et renvoyé de Caiphe à Pilate et de Pilate à Caiphe. Plus tard,
l’habitude rendit la terreur moins grande, et quelques railleurs
impies, en revenant le soir de l’église, s’amusèrent à répéter
la scène du matin aux dépens de leurs amis ou de leurs voisins. De
là, l’origine avancée de ce jeu du premier avril, et le nom
de passion passant
de bouche en bouche et n’étant plus guère compris, devenant le
mot poisson.
Une deuxième origine fut proposée : le mois d’avril étant peu favorable à la pêche, plus d’un gourmand se serait vu, à cette époque, privé d’un plat délicat sur lequel son palais avait compté. Mais cette explication, pour suffisante qu’elle soit à justifier l’expression Manger du poisson d’avril, semble n’avoir aucun rapport avec les facéties du 1er avril.
On
donne également une troisième
origine,
beaucoup plus récente, de cette expression : un prince de
Lorraine que Louis XIII faisait garder à vue dans le château
de Nancy, aurait trompé ses gardes et se serait sauvé en traversant
la rivière de Meurthe, le premier jour d’avril. Certes le duc
Nicolas François, frère de Charles III, duc de Lorraine,
quitta son évêché de Toul et le chapeau de cardinal par politique
d’État, avant d’épouser à Lunéville, au mois de mars 1635, la
princesse Claude, sa cousine germaine, fille de Henri II. Puis,
s’étant retiré à Nancy et ayant eu vent qu’on voulait le
conduire à la cour de France, il trompa ses gardes.
Mais
en réalité, le prince ne passa point la rivière de Meurthe à la
nage, et sortit par une des portes de la ville, déguisé en paysan,
portant une hotte pleine de fumier, de même que la princesse. Il
aurait simplement délibérément choisi la date du 1er avril
pour s’échapper et tromper les Français. Une jeune paysanne des
environs de Nancy, qui fournissait journellement du laitage à la
cour, reconnut la princesse malgré son déguisement et, l’ayant
dit à quelques soldats de la garde, ceux-ci se figurèrent que cette
fille voulait leur donner à tous le poisson d’avril,
en les faisant courir mal à propos ; ce qui donna au prince et
à la princesse le temps de gagner leurs chevaux pour se réfugier à
Bruxelles, auprès du cardinal Infant. Cette évasion fit dire au
peuple que le roi avait donné à garder un poisson
d’avril, mais l’usage était connu au XIVe siècle,
à en juger par les manuscrits du pasteur Paul Ferry relatifs à
l’histoire de Metz et dans lesquels il cite déjà l’expression...
Une quatrième opinion fait remonter l’origine de la coutume au changement opéré sous Charles IX, quand l’année, qui jusqu’alors avait commencé le jour de Pâques, dut s’ouvrir le 1er janvier. Les étrennes du premier de l’an furent donc offertes trois mois plus tôt, et il ne resta dès lors pour l’ancien premier jour de l’an que des félicitations pures et simples, auxquelles les mauvais plaisants ajoutèrent des cadeaux ridicules ou des messages trompeurs.
Un
des plus curieux poissons d’avril dont le bon vieux temps nous ait
légué le souvenir, se déroula en 1686 et mit en scène un abbé de
Caen, Michel de Saint-Martin, né à Saint-Lô en 1614, original
toujours crédule au dernier point, bonhomme par-dessus tout. Ce
personnage était, pour les sociétés de la ville, un divertissement
que les habiles faisaient alterner avec la lecture de la Gazette
de France ou du Mercure Galant. Notez que le digne
ecclésiastique sacrifiait aux muses, et se proclamait un dévoué
serviteur des sciences et des lettres ; mais ses ouvrages
étaient à la hauteur de ses idées et de sa conduite. Il publia,
entre autres, un livre bizarre, singulier, absurde, intitulé : le
Moyen de vivre en santé au delà de cent ans. Or, il était
difficile après cela de ne pas jouer quelque bon tour à l’auteur :
les nouvelles de la cour en fournirent bientôt l’occasion.
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